VIBEKE TANDBERG
   
 
 
 

Interview à l’occasion de l’exposition NOR-A-WAY, 1997

Interview de Peter Herbstreuth (cf. KIEL 1997, p. 38-39).Lors d’une autre interview (cf. HANNULA 1998 B), Tandberg a affirmé "Mon enfance est finie, et ne reviendra jamais. Par conséquent, je recycle mes idées d’enfant, tous les rêves que j'avais." (lire l'interview). C’est de ces rêves qu’elle parle ici, illustrés à travers ses séries photographiques Aftermath, Bride, et Living Together.

Texte original
Traduction (Marina Varouta)
Vibeke Tandberg : I always think about fulfilled childhood dreams. I wished to be the most good hearted human being in the world. And to make this dream come true I had to do something very good to people. So I helped Africans. The original idea was to become alive and to end with a tragic death. So I announced my death in the newspapers of Norway with obituaries in which people wrote nice things about me. People were very provoked by it. It ran the risk of taking the idea of being good away. So I dropped it. But I wanted to make a picture of myself being a good person. Vibeke Tandberg : Je pense toujours aux rêves d’enfant réalisés. Je souhaitais être le meilleur homme du monde. Et afin de réaliser ce rêve, je devais faire quelque chose de très bien aux gens. Alors j’ai aidé les africains. L’idée originale était de devenir vivante et de finir par une mort tragique. Donc j’ai annoncé ma mort dans les journaux de Norvège, avec des obituaires dans lesquels les gens écrivaient de bonnes choses pour moi. Les gens ont été très provoqués. Ceci courait le risque d’effacer l’idée d’être bon. Donc je l’ai laissé tomber. Mais je voulais donner de moi l’image d’une personne bonne.
Peter Herbstreuth : How were these two projects connected ?

V.T. : The whole work was called Aftermath which means posthumous reputation. I did not go to Africa, but made digital photos which put me to Africa in the picture. Then I did the death announcements.

Peter Herbstreuth : Comment étaient liés ces deux projets ?

V.T. : L’œuvre dans l’ensemble était appelée Aftermath, qui veut dire réputation posthume. Je ne suis pas allée en Afrique, mais j’ai fait des images numériques qui m’insèrent en Afrique dans l’image. Ensuite j’ai fait les annonces de la mort.

P.H. : You acted as a storyteller.

V.T. : Yes, when I started the project I wanted to have a beginning and an ending. But now I tell the stories more open. But storytelling is basically what I do.

P.H. : You blur the border between real life and fiction. When a newspaper publishes a fictional obituary it destabilizes the authority of the truth in that medium.

V.T. : Only the involved know about it. I did not exploit it.

P.H. : Vous avez agit comme un conteur.

V.T. : Oui, quand j’ai commencé le projet, je voulais avoir un début et une fin. Mais maintenant je dis les histoires plus ouvertement. Mais conter des histoires, c’est principalement ce que je fais.

P.H. : Vous brouillez les limites entre vie réelle et fiction. Quand un journal publie un obituaire fictionnel, il déstabilise l’autorité de la vérité dans ce média.

V.T. : Seulement ceux qui ont participé au projet le savent. Je ne l’ai pas exploité.

P.H. : When you kneel down and touch the leg of a person, like you did on a digital photo, you do not feel the warmth of the body but the confrontation with the machine you use to construct it.

V.T. : When we talk about experience we automatically think about the body which is involved in something. When you talk about experience in the cyberspace it is a different kind of experience. It is not tactile, sensitive or physical. The idea of experience has expanded. In my digital photographs it is an extension of the concept of experience. It tends more to images and goes away from the body.

P.H. : Quand vous vous agenouillez et vous touchez le pied d’une personne, comme vous avez fait sur une photo numérique, vous ne sentez pas la chaleur du corps mais la confrontation avec la machine que vous utilisez pour le construire.

V.T. : Quand on parle d’expérience, on pense automatiquement au corps qui est en train de faire quelque chose. Quand on parle d’expérience dans le cyberespace, c’est un différent type d’expérience. Elle n’est pas tactile, sensible ou physique. L’idée de l’expérience s’est expandue. Dans mes photographies digitales, c’est une extension du concept d’expérience. Il tend plus vers les images et s’éloigne du corps.

P.H. : You once published a conversation of different persons in the Internet. A person said the real art on the Internet was in the discussion, meaning the exchange of ideas which virtually does not come to an end, being in a constant flow. You can change things all the time. Translated into art’s context it includes keeping things fluent. But a picture is stable.

V.T. : I agree. But the stories are closely connected to me. They are autobiographical. I always deal with things I would like to experience. I had been married to ten different men for example. I made digital pictures which show me with them in a wedding dress and sent them to newspapers in Norway. They published them.

P.H. : À un moment vous avez publié une conversation de différentes personnes sur Internet. Une personne disait que l’art réel sur Internet était dans la discussion, c’est-à-dire l’échange d’idées qui virtuellement n’arrive pas à une fin, étant en flux constant. On peut changer les choses tout le temps. Traduit dans le contexte de l’art, il inclut l’idée de maintenir les choses en mouvement. Mais une image est stable.

V.T. : Je suis d’accord. Mais les histoires sont étroitement liées à moi. Elles sont autobiographiques. Je traite toujours de choses dont j’aimerais faire l’expérience. Par exemple : je me suis mariée avec dix hommes différents. J’ai fait des photos numériques me montrant en robe de mariée avec eux, et je les ai envoyées à différents journaux en Norvège. Ils les ont publiées.

P.H. : The papers thought the weddings were real ?

V.T. : Yes ; they looked at the pictures. Later I heard that a French artist did a similar project ; but she really married and divorced again just for art’s sake.

P.H. : Les journaux croyaient-ils que les mariages étaient vrais ?

V.T. : Oui ; ils ont regardé les photos. Plus tard j’ai entendu qu’une artiste française avait fait un projet similaire ; mais elle s’est vraiment mariée et ensuite divorcée, au nom de l’art.

P.H. : What happened after ?

V.T. : Nobody found out that it was fiction. I collected the newspapers, framed them, and showed them as an art project in galleries. My aim is always to make exhibitions. When you have things of the real world in fiction it is better to play with. Another story is about me and my double. I created my own clone in the computer. We live a normal life, eat breakfast in the morning, go on vacation. It is a self-portrait. What I wanted to know was : how do I look when I do not act, when I am just for myself. I ended up with the idea of identity. And everybody is now bored of talking about identity.

P.H. : Qu’est-ce qui s’est passé après ?

V.T. : Personne n’a découvert que c’était une fiction. J’ai collectionné les journaux, je les ai encadrés, et je les ai montrés comme un projet artistique dans les galeries. Mon but est toujours de faire des expositions. Quand tu as des choses du monde réel en forme de fiction, il est mieux de jouer avec. Une autre histoire c’est moi et mon double. J’ai créé mon propre clone à l’ordinateur. On vit une vie normale, on prend le petit-déjeuner le matin, on part en vacances. C’est un autoportrait. Ce que je voulais savoir, c’était : comment je parais quand je n’agis pas, quand je suis moi-même. Je me suis trouvée avec l’idée de l’identité. Et maintenant tout le monde en a assez de parler d’identité.

P.H. : It is still an ongoing project, I guess.

V.T. : Identity causes problems when you talk about it. Before Freud you could say : I am who I am. Now it is so complicated. You do not really know what you are a result of. So I just want to say : it is okay to be schizophrenic or to be different things at the same time. But the point in the story is me watching myself. Talking about self portrait is close to narcissism which according to the myth means a person falls in love with himself. But before he falls in love he sees himself and experiences himself through an image.

P.H. : C’est un projet en cours, je suppose.

V.T. : L’identité cause des problèmes quand on en parle. Avant Freud, on pouvait dire : je suis qui je suis. Maintenant c’est si compliqué. On ne sait pas vraiment de quoi on est le résultat. Donc je veux seulement dire : c’est ok d’être schizophrénique ou d’être plusieurs choses à la fois. À part cela, le sujet de la série, c’est moi regardant moi-même. Parler d’autoportraits, c’est proche du narcissisme qui, selon le mythe, signifie qu’une personne tombe amoureuse de soi-même. Mais avant de tomber amoureux, il voit soi-même fait l’expérience de soi-même au travers d’une image.

P.H. : How do you deal with it in an exhibition ?

V.T. : It is a series of snapshots documenting normal daily life. The level of identifyability is close. It looks very casual. My double and me get up in the morning, we pose with my mother for the family album. But it has no beginning and no end. It is fairly open. I tried to give every picture a content dealing with the personalities of these two identical figures. I did not want to define their relationship as twins, sisters, lovers or friends. It was important that they just appeared closely connected and shared sorrow and happiness.

P.H. : Comment vous le traitez dans une exposition ?

V.T. : C’est une série d’instantanés documentant une vie quotidienne. Le niveau d’identificabilité est proche. Cela semble assez casuel. Mon double et moi, on se lève le matin, on pose avec ma mère pour l’album de famille. Mais il n’a pas de début ni de fin. C’est tout à fait ouvert. J’ai essayé de donner à chaque image un contenu traitant des personnalités de ces deux figures identiques. Je ne voulais pas définir leur relation comme jumelles, sœurs, amantes ou amies. C’était important qu’elles apparaissent tout simplement étroitement liées, et qu’elles partagent tristesse et bonheur.

 
 
 

Note : Ceci n'est pas le site officiel de Vibeke Tandberg.
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Dernière mise à jour : 17 mars 2004

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